Histoire de la période révolutionnaire irlandaise dans la presse française
Histoire des écrits français sur l'Irlande
Si l’Irlande et la France entretenaient une relation proche depuis l’expédition infructueuse de général Hoche pour aider aux ‘United Irishmen’ en 1796, les premières publications françaises significatives au sujet de l’Irlande datent du milieu et fin du XIXe siècle. Ces écrits, souvent les œuvres des auteurs qui avaient voyagé en Irlande, commentaient sur les conditions sociales et politiques de l’île. Parmi les plus notables figure l’œuvre sociologique de Gustave de Beaumont, L’Ireland sociale, politique et religieuse (1839). De Beaumont connaissait un grand succès et son livre se publiait en huit éditions tout au long du siècle.
La période révolutionnaire irlandaise dans la presse française
Cependant, c’était dans la presse française que les évènements qui se dérouillaient en Irlande au cours du début du 20eme siècle recevaient une couverture significative. Coïncidant avec la première guerre mondiale, l’Irlande révolutionnaire figurait dans l’imagination du public française et la violence et les combats se déroulaient habituellement à la une de la presse française. Tandis que la période révolutionnaire commença avec la crise d’Ulster (1912), ce n’était qu’en 1916 et l’éclate de l’insurrection de paques que l’Irlande entra réellement dans la conscience du public française.
De nombreuses publications ont remarqué sur le timing de l'Insurrection qui a eu lieu à un moment crucial de la première guerre mondiale. Ces journaux ont critiqué les dirigeants de l'Insurrection pour avoir conspiré avec l'Allemagne. Les combats à Dublin ont fait la une de Paris-Midi tout au long de la semaine de l’insurrection. Un article du 26 avril 1916 affirme qu’ « il faut tout l’infatuation allemande pour avoir pu compter sur un mouvement favorable en Irlande ».De même, Jean Herbette, écrivant dans L'Echo de France du 27 avril 1916, suggère que certains des participants à l'Insurrection ont été financés par l'État allemand : « Il y a évidemment un petit nombre d’individus dévoyés, et de traîtres payés par l’Allemagne, qui cherchent à empoissonner la nation irlandaise. »
Les années qui ont suivi l’insurrection de Pâques ont été marquées par un silence relatif sur l’Irlande dans la presse française. Cependant, le déclenchement de la guerre d’indépendance en 1919 a ravivé l’intérêt journalistique pour les affaires de l’île émeraude.Tout au long de la guerre, les quotidiens français relataient plusieurs évènements importants. Henri Béraud, émissaire de Le Petit Parisien, se rendit à Balbriggan à la suite des représailles effectués par les ‘Black and Tans’ le 20 septembre 1920. Une photographie d’une famille et leurs affaires devant leur maison ruinée accompagnait l’article de Béraud. Même si l’article de Béraud était à la une, son choix de vocabulaire démontre la difficulté à rendre compte de la guerre. Ne sachant peut-être pas comment qualifier le conflit entre les forces britanniques et un état constitutif disputé du Royaume-Uni, l’article de Béraud s’intitule ‘Vision de guerre civile’, un nom également donné à la guerre par plusieurs publications françaises. Il existe également une tendance dans la presse francaise de l’époque de nommer les républicains irlandais ‘les Sinn feiners’ quel que soit leur affiliation avec le parti.
Présent aussi à Balbriggan ce jour-là était Joseph Kessel, qui sera membre de l’Académie française. Kessel, qui écrivait pour La liberté sous le pseudonyme « D’Hourec », s’installa en Irlande pour y couvrir la guerre. Ses écrits de cette époque (19 articles au total) couvrent les représailles susmentionnées à Balbriggan, la grève de la faim et la mort de Terence MacSwiney, la réaction du public anglais à la guerre en Irlande ainsi que les entretiens avec des personnalités notables telles que le général MacCready et même un entretien clandestin avec Constance Markievicz.
Cependant, ce sont l’ arrestation sans motif et la grève de la faim suivante de Terence MacSwiney qui ont fait connaitre la situation en Irlande autour du monde, et qui l’a donnée une place principale à la une des journaux français. Poète, dramaturge et le lord-maire de Cork, MacSwiney a été arrêté par les soldats anglais le 12 août 1920 qui l’ont accusé de posséder de matériel séditieux. Il a été interné dans la prison de Brixton ou il s’est mis en grève de la faim. Plusieurs publications françaises ont publié les articles concernant l’arrestation de MacSwiney, y compris Le Journal et Le Matin. Au fur et à mesure que sa grève de la faim avançait, les articles de presse se multipliaient, avec des informations presque quotidiennes au cours des derniers jours de sa vie. Kessel s’est rendit à Cork pour rapporter les prières publiques pour le Lord-Maire, remarquant sur « un souffle de désespoir » qui se répandait autour de la ville. Les annonces de sa mort le 25 octobre 1920 ont dominé les couvertures, et plusieurs reporteurs ont souligné l’importance de son sacrifice comme moment clé de la guerre et ont noté ses conséquences potentielles pour le ralliement du peuple irlandais. Paul Louis, reporteur pour L’Humanité a remarqué que « C’est autour de son nom que se cristalliseront toutes les aspirations et toutes les haines d’un peuple, à l’instant où ce peuple est prêt aux suprêmes sacrifices pour s’affranchir de l’oppression. »
Après la mort de MacSwiney, la guerre en Irlande continuait à faire les gros titres en France. Cependant, contrairement aux reportages sur MacSwiney, les reportages sur le dimanche sanglant (21 novembre 1920) se trouvaient reléguées à les nouvelles internationales à l’arrière des journaux. En revanche, la nouvelle de l’incendie de Cork (11-12 décembre 1920) effectuée par les forces auxiliaires, les ‘Black and Tans’ et des soldats britanniques en réponse à une embuscade tendue par l’IRA à une patrouille auxiliaire a fait la une de nombreux journaux français. Plusieurs d’entre eux ont évoqué le nom de MacSwiney pour rendre compte de la destruction de sa ville natale. Par exemple, un article d’Henri Béraud qui est apparu dans Le Petit Parisien du 14 décembre 1920 porte le sous-titre ‘Sur les ruines fumantes de la ville de Mac Swiney.’
La violence s’est poursuivie en 1921, et les journaux français ont continué de publier les rapports et les témoignages des combats. D’ailleurs, Le Petit Parisien a appelé les premiers mois sanglants de l’année 1921 « la série rouge » à la suite de l’embuscade de Crossbarry en mars. Un autre évènement qu’on consacrait une couverture dominante dans la presse française est l’incendie à la maison des douanes à Dublin le 25 mai 1921.
L'usage de la photographie dans la presse française
Au cours de la majorité de la période révolutionnaire, l’utilisation de la photographie dans la presse était encore un art balbutiant. Les photos se publiaient largement en gravure en raison de l’impossibilité d’imprimer l’image en même temps que le texte. L’exemple ci-dessous montre, d’une part, l’image de presse originale de l’incendie à la maison des douanes à Dublin, et d’autre part, son équivalent en gravure qui s’est produit dans X du XXX. Lorsqu’une photographie apparaissait dans un journal, elle se trouvait généralement à la une de afin de magnifier le texte plutôt qu’elle ne constituait une source d’information en soi. Voir l’exemple suivant du rapport sur les représailles à Balbriggan et l’image frappante qui l’accompagne. Les améliorations apportées au Bélinographe en 1921, invention d’Édouard Bélin réalisée en 1907 qui rendait possible la transmission à distance des photographies, permettent désormais la transmission plus rapide des images. Par conséquent, l’usage des photographies originales est devenu plus fréquent au cours de la guerre civile.
Cependant, si l’utilisation de la photographié dans les journaux pouvait être sporadique, on pouvait trouvait dans la tradition du journal illustré un photojournalisme plus approfondi. En 1916, X a publié des images prises pendant l’insurrection de Pâques, y compris une photographie saisissante de Constance Markievicz à bord d’un camion de police. De même, une exposition détaillée sur la crise en Irlande s’est publiée dans La Science et la vie du 01 juin 1916. Les images en gravure des leaders de l’insurrection, dont Markievicz, Connolly et Clarke ont tous figuré, d’autres politiques clés comme Redmond et Carson et une carte physique et politique de l’île, accompagnent l’article de Charles Rabot. Cependant, l’exemple le plus marquant est celui du journal illustré de Paris, Excelsior, qui publiait régulièrement les images des photographies d’Irlande au cours de la période révolutionnaire, y compris plusieurs reportages en première page. Voir les exemples ci-dessous de l'annonce de la signature du traité, et, de la bataille de Dublin qui a fait l'objet de plusieurs reportages en première page au cours de la première semaine de juillet 1922.